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Franck Degoul et l’aventure brésilienne

Rédigé le Vendredi 20 Novembre 2015 à 18:06 | Lu 589 fois


Présentation de cet aventurier bas-alpin et auteur du livre Brasil, qui a reçu récemment le prix de la Toison d’Or du livre d’aventure vécue.


Présentez-vous à nos lecteurs (votre métier, d’où venez-vous)

Je suis docteur en anthropologie sociale et culturelle. Avant de mener à bien cette aventure au Brésil, j’ai effectué des recherches de terrain en Haïti sur la religion Vodou ainsi que sur la figure du zombi dans l’imaginaire de cette société. J’ai longtemps vécu aux Antilles tout en conservant un lien fort avec les Alpes-de-Haute-Provence où je suis établi depuis ma plus tendre enfance et où j’ai exercé diverses activités, de l’enseignement au travail social en passant par la direction d’une recherche sur la demande d’asile.

 

Présentez-nous votre aventure.

Durant huit mois, et cinq mille kilomètres d’une marche quotidienne, j’ai sillonné le Brésil du sud au nord par l’intérieur des terres, de la ville de Chui (État du Rio Grande do Sul) à celle d’Oiapoque (État de l’Amapàa). Aller « de Chui à Oipaque » est une expression que les Brésiliens emploient lorsqu’ils souhaitent signifier l’immensité de leur territoire national. J’ai donc suivi la formule au pied de la lettre ! À l’échelle de l’Europe, cela revient quasiment à relier Lisbonne à l’Oural en ligne droite.

 

Pourquoi ce défi ?

Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, pour expérimenter une façon de voyager radicalement différente de celle que j’avais connue à l’occasion de mes recherches de terrain aux Antilles. L’ethnologie est une pratique qui exige généralement de s’immerger plusieurs années dans un territoire relativement restreint afin d’étudier et de comprendre en profondeur la question qui nous occupe. Cette traversée solitaire, elle, me jetait sur les routes et les pistes d’un pays-continent et m’imposait d’être perpétuellement de passage pour continuellement avancer : quelques mois pour parcourir un espace infiniment vaste. Il y avait ensuite l’envie d’approcher un pays qui piquait ma curiosité depuis toujours et dont je souhaitais dresser un portrait subjectif. Enfin, évidemment, cette longue marche contenait tous les ingrédients d’une aventure digne de ce nom : l’inconnu, l’imprévu, des dangers, la sollicitation physique et mentale, la solitude… En partant, je n’étais pas certain de parvenir un jour à son terme.

 

Pourquoi avoir choisi le Brésil ?

Le Brésil est une terre de contrastes qui constitue un monde en soi. Sa grande diversité humaine, environnementale, culturelle promettait beaucoup de variété dans l’espace d’un seul et même pays. À la force du pied, à la mesure du pas, on s’extrait des pampas gaúchas de l’extrême sud pour aboutir quelques mois plus tard dans l’aire amazonienne indienne, en ayant admiré en chemin le haut plateau central juché à mille mètres d’altitude, la savane du Cerrado, les océans de canne à sucre de l’État de São Paulo… Au fil des jours, on rencontre des descendants d’Européens venus d’Italie ou d’Allemagne, des Afro-Brésiliens, des Indiens guaranis vivant reclus en marge des routes fédérales, des paysans « sans terre » ; on côtoie l’extrême richesse comme la plus grande pauvreté.


Comment vous sentiez-vous lors de votre aventure ?

Extrêmement libre, infiniment vulnérable et parfaitement présent. Chaque journée est unique et rien n’est joué d’avance : les réussir, l’une après l’autre, est le seul horizon quotidiennement déplacé d’une aventure de cette envergure. Parvenir au terme de sa journée de marche : voilà le but. Chaque journée accomplie est une victoire. Un tel voyage n’est après tout que la somme de centaines de journées réussies. Il n’en va pas autrement dans la vie quotidienne de tout un chacun, selon moi. Nous sommes tous, à notre manière, quoi que l’on fasse, un présent qui se déplace. Une journée : une vie !

 

Les mauvais moments ? Les bons ?

L’accueil réservé au marcheur solitaire n’est pas toujours cordial dans un pays où la violence des cités tentaculaires, amplifiée par les médias, rejaillit immanquablement sur le rapport à l’autre. Essuyer la méfiance de gens de rencontre n’est jamais agréable, pas plus que de devoir cheminer, en certaines circonstances, sur des routes fédérales saturées de poids lourds. Mais cela fait partie de ce que l’on a fait advenir et on doit l’accepter. Il suffit que des routiers vous lancent des sandwichs et des bouteilles d’eau alors que vous marchez pour que tout s’illumine : cela m’est si souvent arrivé ! Le moindre encouragement est une joie, comme est un profond bonheur de s’éveiller sous un ciel moucheté d’étoiles qui scintillent à travers le toit en moustiquaire de votre tente. Merveille des éveils vagabonds !

 

Qu’avez-vous appris lors de votre aventure ?

Au-delà de tout ce qu’il a pu m’apprendre sur ce fascinant pays qu’est le Brésil, ce périple m’a enseigné les vertus du lâcher-prise. Ne pas chercher à maîtriser ce que nous ne pouvons pas maîtriser, ce sur quoi nous n’avons pas de prise. Cela ne signifie pas tout abandonner et se rendre indifférent au monde environnant ! Cela nécessite d’accompagner le mouvement des choses plus que de s’efforcer de les conduire à tout prix. Pour lancer une balle, ne faut-il pas la lâcher après lui avoir impulsé une direction ?

 

Décrivez-nous une journée type

J’aimerais répondre par une citation de mon ouvrage : « On atteint le terme de la journée avec la fin du jour. À cet instant, le profond bonheur que procure le repos est décuplé par la satisfaction d’être parvenu aux confins de soi. Pour quelques heures à peine, une miette d’éternité. Et puis tout recommencer à l’aube d’un nouveau jour. Partir de rien, cheminer, culminer et s’éteindre, enfin. Le marcheur au long cours : un Sisyphe volontaire roulant son rêve sous le flambeau du monde. »

 

Pourquoi avoir écrit ce livre ?

Pour rendre compte de cette aventure, c’est-à-dire : du pays qui l’a inspirée, le Brésil ; de l’homme qui l’a menée, le marcheur ; des rencontres qui l’ont jalonnée, ces personnes rencontrées en chemin qui, toutes, témoignent d’un aspect de l’histoire, de la société et de la culture brésiliennes. Le Brésil est sublime de paradoxes et de vastitude : c’est cette caractéristique que j’ai tenté de transcrire dans mon ouvrage, tout en cherchant à traduire également les bouleversements qui s’opèrent au plus profond du marcheur au long cours aux prises avec sa folie, son rêve, son aventure.

 

Quel est le bilan de votre aventure ?

Seuls les lecteurs de mon ouvrage, Brasil, peuvent répondre à cette question délicate ! Car le bilan figure alors entre leurs mains, au long des lignes, à l’issue de ce passionnant exercice littéraire qui constitue l’ultime étape d’un long trajet vers le monde et vers soi.

 

Avez-vous d’autres projets ?

Des projets d’écriture, oui, que je préfère taire pour le moment. Disons que l’aventure en laquelle a consisté l’écriture de Brasil me porte à m’essayer à d’autres genres littéraires dans lequel les voyages trouveraient une place. J’aime partir d’un néant pour chaque nouvelle aventure, de quelque nature qu’elle soit. Se sentir débutant, novice, mais aller de l’avant en vue d’apprendre est une forme noble de liberté. Je m’y applique au mieux !











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